Exploration et discussion [PV Danaé ] - RP forum

Il était clair que dans un temple, on apprenait pas à courir. Le temple était un lieu de respect et de recueillement, un bâtiment d'où suintait une sombre lumière divine, secrète, un parfum de pierre blanche et de fleur, ainsi qu'une essence aquatique provenant du lac du temple. Elle avait vécu longtemps dans ce silence dévoué, dans un calme proche de la plénitude. Elle s'y était sentie comme une femme accomplie, mûre, prête à toucher le ciel au son des chants sacrés et des prières que l'on récitait quand se levait le jour. Les prêtresses se massaient harmonieusement fasse à la grande statue de la déesse, et la grande prêtresse rendait la majeure partie du culte à haute voix, soit suppliante, soit impériale. Cette femme sans âge, à la chevelure blanche et vaporeuse, avait la dignité d'une reine et une sagesse sans égal, aussi loin qu'elle connaissait la sagesse.
On lui avait proposé le poste de grande prêtresse peu de temps avant l'apparition divine. Elle était encore bien trop jeune. L'ancienne avait remit son âme entre les main de Hadès et se promenait certainement en des lieux lumineux où les jours paisibles se succédaient. Danaé n'avait su que répondre, elle savait que sa nomination risquait de froisser les autres temples du pays, mais surtout,en devenant grande prêtresse, elle se coupait définitivement de ce monde profane qui l'avait vu naître et qu'elle aimait profondément. Elle imaginait son père, sa mère, son frère, loin d'elle, inaccessibles... Si les dieux ne l'avaient pas appelée, elle aurait de toute évidence refusé la charge.
Et elle ne regrettait rien, non rien. Elle avait son frère devant elle, qui souriait et plaisantait, prenant la vie de façon légère, appétissante, dans un lieu où il ne la quitterait pas de sitôt.

Elle reprit sa course, saisissant à pleine main le bas de sa tunique alourdie par l'eau, criant mentalement à ses jambes de jeune femme de courir plus vite, et encore plus vite. Elle savait pertinemment que tenter de battre un loup garou mâle à la course quand on est une femme humaine et vain, mais il s'agissait là d'un défi, d'un plaisir aussi, insaisissable, mais entêtant. Elle se surprit à rire à gorge déployée, malgré l'air qui lui fouettait le visage et lui arrachait des larmes brûlantes. Son but était stupide, elle le savait pertinemment, en effet : il était impossible de le réaliser. Que dirait-on d'elle, de cette adulte censée être responsable, tenter de battre un loup garou à la course en sachant pertinemment que c'était impossible, sauf en cas d'intervention divine de la part d'un dieu joueur se plaisant à se jouer des lois de la nature ? Mais à quoi bon s'en soucier ? Les adultes trop responsables devenaient vite ternes, sans relief, c'est ce qu'on lui avait enseigné au temple. Être solennel en tout temps fait perdre sa lumière à l'être humain, il vieillit vite sans l'étincelle de l'enfance qui sommeille en lui. La grande prêtresse disait que les enfants étaient plus lumineux que les adultes, qu'ils étaient plus proches de l'essence divine que ne le seront jamais les prêtres, grâce à leur innocente joie ou peur. Les Dieux aimaient les enfants car rares étaient ceux qui savaient bien ce qu'était le bien ou le mal, si ils ne discernent pas la limite, il n'y a pas d'infraction volontaire, et l'enfant ne peu ni basculer dans le mal, ni dans le bien.

Et elle continuait de courir sans s'arrêter, sans vraiment écouter son corps qui la sommait d'arrêter, accusant la fatigue qui la gagnait, elle savait que bientôt, ses jambes ne la porteraient plus, sa force physique était bien trop faible. Déjà elle ne voyait plus son frère. Autour d'elle, le paysage lui donnait des frissons dans le dos. Elle s'était écroulée, ruisselante de sueur, sur une tapis mousseux recouvert de fougères, au milieu d'arbres qui mêlaient leurs branches, leur cime, enchevêtraient leurs épaisses racines au dessus du sol, créant des barrières naturelles par dessus lesquelles elle n'aurait pas eu la force de sauter. Là, les fougères piétinées sans ménagements indiquaient le passage emprunté par son frère, mais elle n'entendait plus sa course furtive entre les arbres, il était trop loin, et sûrement trop hilare pour rapidement se rendre compte qu'il avait laissé sa soeur au bord d'un chemin qui n'existait même pas, ou alors recouvert par une végétation trop dense pour le distinguer...

- Mhiryo ? s'efforça t'elle de crier, haletante. Tu n'oublies personne ?

Leur course avait repris, chaque foulée devenait plus périlleuse que la précédente car chacune d'elles les conduisait vers le côté le plus sauvage de l'île. Les arbres défilaient à toute allure, les branches et les feuilles semblaient s'écarter devant lui, ses pieds effleuraient le sol ou les racines avec légèreté. Il s'était pourtant promis de ne jamais se laisser regagner par l'ivresse qui l'envahissait lorsqu'il courrait. Ses cheveux étaient complètement décoiffés, ses habits commençaient à être sali et pour une fois il s'en moquait bien. Lui qui était si tatillon d'habitudes sur l'apparence physique, se laissait aller royalement. Chaque fibre de son être, chaque petite cellule de son corps était noyée dans cet océan de liberté.
La liberté... Il avait cru devoir s'en séparer en arrivant à l'armée pour son éphébie alors qu'au final elle avait largement était décuplée, il avait cru devoir y renoncer en acceptant la demande des Dieux mais il s'était encore fait des idées, elle était toujours là, comme une mère veillant sur son enfant. Elle s'était peu à peu incrustée en lui, les rendant indissociable... Était-ce une bonne chose ? Pas toujours en effet mais cette sensation valait tous les sacrifices, ou presque.

Cette liberté, qu'il avait réussi à apposer dans la moindre de ses envies, l'avait encore une fois fait perdre la notion de la réalité... Il se retourna avec un sourire aux lèvres pour chercher sa soeur mais personne ne le suivait... Elle avait fait demi-tour ? Non, cela ne lui ressemblait pas... Elle s'était arrêté pour souffler ? Possible... Il s'arrêta enfin et, prenant sa forme animale, trottina dans la direction dont il venait.
A pas de loup... Cette expression correspondait si bien à ce qu'était sa race... Ce fut donc à pas de loup qu'il arriva vers Danaé. Elle ne l'avait pas vu, tapis dans les buissons. Elle ne l'avait pas entendu, silencieux comme la forêt. Elle n'y prêtait pas attention, immuable comme une montagne...
Et il bondit, aussi rapide que le vent, insaisissable comme l'ombre. La férocité du feu ne s'était pas éveillée, et pour quelle raison l'aurait-elle fait ? Il atterrit de tout son poids sur sa cadette et lui asséna un violent coup de langue dans le cou. Il retourna sur le sol et regarda la jeune femme d'un air fripon. Allait-elle le renvoyer dans les airs ? Non... Quand même pas... Elle ne lui ferait pas ça... Déjà une idée de vengeance se profilait dans son esprit...

Il poussa un jappement joyeux tout en tenant une distance raisonnable avec Danaé...

L'humidité était déjà une des caractéristiques premières de ce milieu semi-hostile de l'île, mais elle ne s'attendait pas à la sentir d'une telle sorte. Le grand coup de langue que lui assena Mhiryo la supris tellement qu'elle perdit le contrôle de son don un bref instant. Un caillou s'éleva à un mètre du sol pour se fracasser contre le tronc d'un jeune arbre qui peinait à pousser, le brisant en deux. Fort heureusement, rien n'arriva au grand loup impertinent qui trottait malicieusement, à bonne distance cependant. Danaé lui lança un regard pénétrant, noir de colère, bien que rien d'autre ne perça sur son visage ovale. Se redressant, elle résista à une subite envie impulsive de l'envoyer voler un peu plus loin, mais elle résista, jugeant que ce n'était pas là une attitude très digne d'elle. Ses mains esquissèrent un bref geste impulsif pour retomber le long de ses flancs, seuls ses yeux lançaient des éclairs de colère.

- Je savais que ma tenue était à changer, mais de là à tenter de la rendre in-lavable... il y a un monde. Je te signalerai que j'aimerai éviter d'en racheter une. Oui, je sais tu ne m'a donné qu'un coup de langue. Mais disons que tes pattes ne sont pas de première propreté...

En parlant elle désigna deux larges tâches humides sur sa poitrine, d'une teinte terreuse auréolée de vert étrange. Elles dessinaient l'image de deux pattes animales, qu'un connaisseur identifiait immédiatement comme celles d'un loup énorme. Car c'était son frère à elle, une grosse boule de poils noirs charbon. Non pas qu'elle était très pointilleuse, mais Danaé trouvait que les souillures à répétition de son habit bien lassantes. Elle lissa à nouveau ce qu'il restait de la blancheur de sa robe su plat de la main et enjamba une souche pour le rejoindre maladroitement.

- Si cela ne t'ennuie pas, il faudrait que nous rentrions. Nous avons beaucoup de pain sur la planche mon cher frère. L'organisation du début de l'année demande une certaine quantité de travail comme tu as pu le voir, et j'aimerai m'en débarrasser aussi vite que possible si tu n'y vois pas d'inconvénients. Oh, ne t'inquiètes pas, dès que nous aurons fini je te promet que nous retournerons explorer un peu par ici, ce serait te mentir que de te dire que découvrir cet îlot m'intrigue énormément...

[On continue au bureau ? Very Happy

]

~ SUJET VERROUILLE ~

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